La recherche du savoir ~ Pv Gabriel Akeran (Terminé)

Nuit d’étoiles silencieuses. Combien d’êtres vivants pouvaient se vanter de ne pas craindre l’obscurité ? Combien d’êtres vivants ne craignaient rien en se promenant au milieu de la nuit ? Ils n’étaient pas nombreux, encore moins ceux qui n’avaient non seulement rien à craindre mais qui représentaient à eux seul le plus grand danger de la forêt. Elysha en était parfaitement consciente. Et dans un élan de sérénité, elle s’éloignait petit à petit du repère des Arkangel. La brume avait englouti la totalité de la forêt, lui donnant un air encore plus mystérieux sous le clair de lune. Une fine brise de vent vint de temps en temps perturber le feuillage des arbres centenaires, accompagnant le hululement d’une chouette. C’était l’éternel continu des choses. L’éternel renouvèlement de la vie. Chaque printemps, chaque été, c’était la même chose. Pourtant la sang pur ne s’en laissait pas. Figé pour l’éternité, elle observait néanmoins avec un certain plaisir le monde évoluer. Chaque année, chaque saison, le même spectacle. Malgré tout, ce n’était jamais deux fois la même chose. Il y avait toujours quelque chose de différent. Et c’était cette différence qui captivait la jeune femme.

Sa silhouette se frayait petit à petit un chemin entre les arbres, parcourant ainsi des kilomètres qui ne lui parurent être que quelques mètres. Ses pas l’avaient mené bien loin de toute civilisation, bien loin de cette église qui lui était ô si familière. Habillée d’une longue robe bleu claire, n’importe quel humain l’aurait vu aurait pu croire apercevoir un mirage. Mais la sang pur semblait bien loin de tout cela, tel sont esprit qui s’était enfoui au plus profond de son être pour ne plus penser à rien. Et pourtant, rien ne semblait lui échapper. Du renard se sauvant à l’horizon jusqu’au regard d’une biche effrayée. Et alors qui lui semblait avoir fait le tour du lac se trouvant dans la forêt, un parfum familier vint attirer toute son attention. Se décidant alors à feindre l’ignorance, la jeune femme s’avança vers l’étendue d’eau et y observa un court instant son reflet. Elle avait tant de questions qu’il lui fallait pourtant restreindre à chaque rencontre, ce qui n’était aucunement dans ses habitudes. Alors, elle préférait laisser le choix à Gabriel, qui ne pourrait ensuite que s’accommoder au fait qu’elle cherchait à tout savoir le concernant. C’était sans nul doute de la simple curiosité, mais c’était là un fait qu’elle se refusait d’avouer et qu’elle se devait donc restreindre. Espérant tout de même que l’autre sang pur ce décide à venir à elle, car dans le cas contraire, elle n’hésitera pas à se joindre à lui pour assouvir son désir de réponses.

Nul bruit ne venait dérangeait cette nuit silencieuse et ô combien agréable. Mais en cette soirée si paisible, deux êtres surnaturels parlaient. Du moins c'est ce que beaucoup penser. Car ils étaient enfermés dans cette pièce depuis à présent deux heures et l'un n'était pas en excellent état. Se regardant en chien de faïence, l'un semblait inquiet alors que l'autre souffrait. Un adulte et un enfant. Personne en dehors de cet homme ne savait pour cette malédiction, mais plus que le secret qui les enchainaient l'un à l'autre, tout deux œuvrer dans un même but.

Le temps passait, d'une lenteur effrayante et pourtant la porte s'ouvrit. Des pas claquèrent, semblant presque pouvoir faire ressortir l'énervement de cet homme. L'autre, n'avait pas bougé, se contentant de sourire mystérieusement. L'enfant redevenu adulte n'esquiva pas un seul rictus. Une seule chose en tête semblait l'animer. Le vampire souhaitait juste marcher, aussi loin qu'il le pouvait et oubliait un instant. Ces pas le menèrent tout droit dans l'église avant qu'il ne prenne la décision de sortir et rentrer dans un endroit autre. Ce soir, Gabriel ne resterait pas à Arkangel'Crux, préférant la solitude d'une nuit, qu'une partie de mots face à Lui.

La forêt se referma derrière lui, devenant peu à peu plus dense. Esquivant aisément les branches sans un bruit, il observait ce paysage nocturne d'un regard redevenu paisible. Une fois de plus, il s'était laissé aller devant cette personne. Un regrettable accident qui lui avait valu ça. Soufflant sur ces mèches de cheveux, il savait qu'il ne tarderait pas à franchir le cap du lac. Ce lieux était à ces yeux un sanctuaire. Un baume au cœur reposant. Étrange, n'est-ce pas ? Mais lorsque la solitude vous entrave de toute part, il n'est pas rare d'observer certains comportements bizarre. Et le sang pur qu'il était trouvé ce repère à son goût. L'ombre des branches s'ouvrirent sur le spectacle qu'il attendait. S'arrêtant à l'orée de la forêt, il soupira à nouveau. Trop concentrait sur lui-même, le sang pur n'avait pas senti ça présence avant d'arriver. S'il avait su… peut-être qu'il aurait fait demi-tour ? L'homme souhaitait être seul, mais voilà qu'elle était là. Elysha Akeran. Pour la plupart des gens leurs relations étaient celle de deux membres d'une famille. Mais comme pour Kazuki, ils n'avaient aucun lien du sang, du moins à l'origine. Car il avait bu le sang de son fiancé devant elle et avait accepté que ce dernier face de même. Chacun connaissait les secrets de l'autre, mais ils ne pouvaient rien dire. Tel était leurs liens. Mais Elysha et Gabriel, ne partageait quasiment rien sauf quelques conversations pimentées où le savoir et les mots devenaient des armes presque tranchantes. Ce qui était passionnant. Mais pas ce soir. Non.

Le sang pur aurait pu s'éloigne et faire le tour du lac en l'ignorant, mais tout deux savaient que l'autre était là. Cela serait dénué de sens. Ce fut presque à contrecœur qu'il se dirigea calmement vers la sang pur. Restant à quelques mètres derrière elle, il décida d'entamer un bref monologue.

— Bonsoir Elysha. Ne devrais-tu pas être au côté de Kazuki ?

Une question qui n'en était pas une. Il lui disait le plus simplement du monde que leur leader la cherchait pour il ne savait quelle raison. De toute manière, il s'en contrefichait. Il se contentait de lui transmettre le message à sa manière.

Un fin sourire vint se peindre sur ses lèvres. Il était venu à elle, sans doute dans l’optique qu’ignorer sa présence serait inutile. Se détournant de son reflet, son regard se posa sur le sang-pur. Ce dernier était indéniablement attirant. Elysha n’ignorait pas une seconde les charmes qu’il possédait. N’importe quelle femme censée l’avouerait et le clamerait haut et fort. Et la jeune femme mentirait s’il lui venait à dire qu’elle n’était pas du même avis. Mais c’était bien là le premier danger des sang-pur. Tout vampire était doté d’une incroyable beauté. Et pourtant, seul les level A semblaient posséder ce petit plus qui se voulait envoutant. Une des nombreuses différences qui avait toujours eu l’effet désiré. Quand Elysha avait quitté l’église, Kazuki et Gabriel se trouvaient encore ensemble. C’était sans doute ce qui l’avait poussé à se vider l’esprit, à s’éloigner de leur sanctuaire. Bien qu’elle n’éprouve aucune animosité à l’égard des deux hommes, le fait qu’ils partagent le même sang venait à la déranger. Il lui semblait d’ailleurs avoir tenté en vain de soutirer discrètement quelques informations à son fiancé. Mais cela n’avait fait qu’amuser ce dernier, autant qu’à elle.

Il lui semblait également être de trop. C’était une simple intuition qui lui fit savoir que Gabriel semblait être là à contrecœur. Malheureusement pour lui, et ce sauf s’il s’exprimait ouvertement, Elysha ne partirait pas.

« Gabriel. »

Sa voix mélodieuse ne vint ni répondre à sa salutation, ni à sa question. Si Kazuki la cherchait, grand bien lui fasse. Il était bien le cadet de ses soucis à l’instant précis, un fait dont elle ne se cachait d’ailleurs pas. Observant par la suite l’autre vampire dans le plus grand des silences, Elysha se décida à faire patienter sa curiosité. Bien que jusqu’à maintenant leur relation tenait plus à de simple acolytes dans un projet qu’ils soutenaient tous deux, la vampire avait bien l’intention de changer cela.

« Cela te dérangerait-il de m’honorer de ta compagnie? »

L’inviter à rester et surtout ne pas s’imposer. Tel était son idée, tel était son but. Et bien qu’elle lui laisse le choix, son regard vint se plonger dans le regard profond de Gabriel. Elle n’apprécierait pas un refus, et ce même venant de la part d’un vampire ayant plus de quelques milliers d’années.

Le temps ne faisait pas véritablement partie de leurs vocabulaire. Ils étaient éternel et n'arpentait pas le chemin que les êtres mortels appelait vie et mort. Certes, ils étaient vivant, mais à leur manière. La mort n'était pas la première chose qu'ils craignaient d'autant plus qu'ils avaient les pouvoirs de ce défendre. Mais à l'inverse, ils souffraient sans doute plus que n'importe quel être. Ce n'était pas de la souffrance physique, mais bien évidemment psychique. Certains en venaient même à se suicider, un comble pour sang pur. Gabriel ne savait que pensait de la représentation de la vie, mais une chose était sur il ne craignait rien, sauf la solitude et les blessures du temps. Alors que ces humains, craignaient plus que n'importe quoi la mort, n'appréciant que très peu la courte vie qui leurs étaient offertes. Ne pas être capable d'apprécier ce que l'on vous a offert pourrait être considéré comme un blasphème, mais les églises étaient là pour se repentir. Devait-il en rire ou en pleurer ? Et ces mythes sur leurs natures, leurs faiblesses, les crucifix, l'eau bénite, le soleil les réduisant en poussière. Cela était à mourir de rire. Certes, ils supportaient difficilement la lumière du jour, mais sortir en pleine journée ne les réduisaient pas en cendre. Un vrai conte pour enfant qu'ils avaient écris.

Son étrange rictus sembla faire son effet. Tant mieux, ainsi elle savait qu'elle n'aurait pas le dernier mot, mais aussi qu'il se méfiait d'elle. Acceptant sa proposition, il eut un mouvement quasiment imperceptible au contact de la main de la sang pur. Gabriel était sensible au contact des gens et n'appréciait pas toujours ces derniers. Il avait l'impression qu'un simple contact pouvait vous faire perdre pieds et vous manipulez, comme si toucher une personne était la première approche du savoir. Comme si un simple contact perçait une faille dans l'âme. C'était une bien étrange façon de penser, mais tel était sa manière de voir les choses surtout qu'avoir une âme n'était sans doute pas son cas.

— C'est le sanctuaire des sentiments.

Ce n'était ni une réponse, ni une question. C'était un tout. Un complément de ce que venait de dire Elysha. De plus, elle ne lui avait pas à proprement parlé, poser une véritable question. Gabriel n'était donc en rien obligé d'y faire attention.

— J'imagine que tu cherchais le repos en venant. A moins que tu ne veuilles oublier certaines choses ?

Le sang pur avait baissé les yeux sur la vampire, observant son doux visage au charme envoutant. Si le regard était l'âme d'une personne, ceux de son acolyte était un reflet magnifique. Et pourtant, il n'y avait nulle personne en qui il n'avait confiance que cette femme qui le faisait danser d'un pied sur l'autre sans le savoir. Car ne sachant pas à quoi s'attendre, il s'adapter, sans difficulté et minutieusement, ne le montrant pas, mais tout de même...

Un sanctuaire de sentiments. C’était une belle façon de voir les choses. Et sous les circonstances actuelles, peut-être une rare vérité. Il fût une époque où dévoiler ses sentiments était une faiblesse. C’est pour cette raison que les sang-pur étaient aussi inexpressif, à en croire les autres vampires. Mais souvent, ces derniers oubliaient que vivre éternellement, c’est connaître plusieurs époques bien différentes. Et il n’est pas toujours facile de s’y habituer. Cependant, montrer ce que l’on ressentait était réellement une faiblesse. Mais tout garder pour soi était synonyme d’ennuis. Elysha était venue ici pour être seule, mais il lui serait impossible de dire pourquoi. Peut-être parce qu’elle s’ennuyait réellement. Ou peut-être parce que ni Kazuki, ni Lûka n’avaient été là quand elle s’était décidée à sortir un peu de l’église.

« En toute honnêteté, je cherchais à fuir le présent. »

Ce n’était pas un mensonge et peut-être la chose la plus honnête qu’elle n’ait dit à Gabriel jusqu’à présent. Cet homme représentait à lui seul mille mystères. Elle finirait par les découvrir, de gré ou de force, venant de sa part ou d’autrui. Après tout, elle arrivait toujours à ses fins. Mais peut-être devrait-elle tenter une autre approche. Non celle d’une inquisitrice, mais celle d’une confidente. Il n’y avait aucun doute que le sang-pur ne tomberait pas dans le panneau. Tel un vieux dicton l’a toujours dit, personne n’est né de la dernière pluie. Mais avais-ce réellement une quelconque importance ? Si tous ceux partageant leur rang se faisaient un peu moins la guerre, s’ils ne cherchaient pas à devenir plus puissant en s’entre tuant, peut-être qu’alors leur nombre serait plus élevé de nos jours. Car ce qui poussait au suicide n’était autre que la solitude. Ils pouvaient tous avoir tant d’amis s’ils le souhaitaient réellement. Mais aucun ami ne vivrait aussi longtemps qu’eux. C’était se condamner à voir ses amis mourir, un à un. La solution était pourtant évidente. Si les sang-pur n’étaient pas aussi méfiant les uns envers les autres, certains pourraient se lier d’amitié. Et peut-être alors avoir des amitiés qui justement, durent pour l’éternité.

Cela faisait-il une différence ? La mère d’Elysha s’ôta la vie par simple ennui. Laissant derrière elle une famille qui l’avait sincèrement aimé. Quant à son père, il ne s’était jamais dérobé lui-même son éternité. La perte de sa femme ne l’avait pas plus affecté que cela. Elysha se demanda alors un court instant si Gabriel avait un jour connu l’âme sœur. S’il était le genre d’homme qui comme son père n’en aurait rien à faire de la disparition de sa femme. Et voilà les possibles comparaisons. N’est-ce pas bien triste.

« Et toi, que venais-tu donc chercher ? »

Oublier. À ces paroles, le regard d’Elysha se posa un court instant sur Gabriel. Il était plus grand qu’elle et elle eut un court instant l’impression d’être en présence d’un inconnu. Étais-ce dû à sa sincérité soudaine ou au fait qu’elle n’avait jamais été aussi proche de lui ? Quoiqu’il en soit, il avait dit la vérité. Et de ce fait, elle lui accorda soudainement le bénéfice du doute. Seule elle serait de quel doute il s’agissait, mais cela n’empêchait en rien ce changement d’opinion. Il aurait pu mentir, ou simplement ne rien dire. Mais alors qu’elle avait été honnête, il en avait fait de même. Il fallait par moment oublier les querelles du passé, les premières impressions ou encore les idées reçues. Il fallait oublier qu’ils étaient deux vampires, tous deux aussi dangereux qu’immortel. Et finalement, il fallait oublier que tous deux avaient plus d’une centaine d’années d’existence. Car l’on ne pouvait comprendre un être éternel.

Il ne lui vint soudainement plus à l’idée de lui demander pourquoi. Pourquoi il souhaitait oublier. Que souhaitait-il oublier. Elle se rendit compte de l’absurdité de la chose. Sa curiosité était certes encore présente. Mais au fond, il était aussi simple d’avoir des réponses que de pousser Gabriel à ne plus du tout l’apprécier à force de l’interroger. Mieux valait-il toujours se faire des amis que des ennemis. Kazuki connaissait tous les secrets de cet homme et autant qu’elle sache, s’il représentait quelconque danger pour elle, son fiancé lui aurait explicitement dit de ne pas s’approcher du sang-pur. Chose qu’il n’avait pas fait. S’en était ainsi donc fini avec les questions. Pour l’instant. Tout ce qui importait maintenant, c’est qu’il avait la conversation intelligente et qu’il savait tout comme elle parler sans pour autant tout dire. C’était une vertu rare. Et certainement apprécié. Ou du moins, jusqu’à l’instant de ces dernières paroles.

Une fois de plus, elle ne pu s’empêcher de rire. Car cette fois-ci, elle jouerait réellement avec le feu. Et bien que cela n’était justement qu’un jeu et une manière bien à elle d’énerver Gabriel, ou du moins c’est ce qu’elle espérait, il ne faudrait vraiment pas que Kazuki leur tombe dessus à l’instant précis. Enfin, pour la bonne cause de Gabriel. La jeune femme n’hésita pas une seconde, ne laissant pas le temps au vampire de réagir. Agir en effet de surprise, que de mieux pour arriver à ses fins. Ses bras vinrent se retrouver au cou de Gabriel en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire. Et alors que ses lèvres vinrent effleurer celle du jeune homme, elle plongea son regard dans le sien. Ensorcelant, mais avant tout amusé de son côté. Et sa voix n’était autre qu’un murmure que lui seul pourrait entendre et comprendre, autant qu’elle le provoquait à encore essayer une seule fois de lui dire ‘indirectement’ de partir.

« Toi qui a bu son sang devrait mieux savoir que de dire de telles sottises. »

Sournoiserie pur et simple, piques non dissimulé quant à son opinion sur ce fait. Gabriel la connaissait aussi bien que Kazuki, il la connaissait à travers les souvenir de son fiancé. Il l’avait vu tel que Kazuki la voyait et cela provoquait en elle une toute autre curiosité. Cependant, soit il lui disait de partir, soit il continuait à le lui faire comprendre sans pour autant prononcer les paroles. Et dans ce cas, elle resterait.

Agir de la sorte, ne fusse que pour provoquer autrui n’avait aucun mérite. Et cela ne servait réellement à rien, ne prouvant qu’une imprévisibilité possible de la part d’un être qu’on savait déjà sournois. Elysha ne se gênait jamais d’agir exactement comme elle le souhaitait. Ne tenant jamais compte des sentiments d’autrui et encore moins de leurs avis. Cependant, il y avait une différence qu’elle ignorait peut-être un peu trop. Gabriel n’était pas un humain dont elle pouvait effacer la mémoire. Il n’était pas un vampire quelconque qu’elle pouvait même contrôler à sa guise. Il était comme elle. Et c’était ce fait qui la poussait encore plus vers cette envie de danger, irrésistible et menaçante. Gabriel avait beau avoir les même idéaux, il n’en restait pas moins un sang pur. Il n’était nullement Kazuki, dont elle n’avait rien à craindre. Depuis toujours, bien nombre de sang purs n’étaient qu’intéressés par le pouvoir, ce qui les poussait tous à se méfier mutuellement les uns des autres. Et cela avait quelque chose d’intriguant, d’amusant même.

Gabriel vint pourtant la sortir de cet état d’euphorie. Une de ses mains vint lui attraper le menton, alors qu’elle observa avec incompréhension l’expression de son visage changer. Ce sourire amusé, accompagné d’une voix empreinte de venin ne l’amusa pas. Elle comprit certes le message, tout en l’ignorant une nouvelle fois. Ou du moins, jusqu’à ce que le vampire vint lui murmurer à l’oreille ces paroles qui lui firent comprendre ce qui se passait réellement à l’instant. Elle jouait un jeu, il le savait. Mais lui aussi pouvait jouer et au vu de ces dernières paroles, Elysha était persuadé qu’il savait exactement que dire pour retourner tout cela contre elle. Elle ne pu alors distinguer ce qui la poussait soudainement à s’éloigner de lui. Le fait qu’il entre dans son jeu ne semblait pas réellement la déranger. Mais c’est sans dire un mot de plus, le visage aussi inexpressif que son regard inébranlable que la vampire fit un pas en arrière. Posant à peine une trentaine de centimètres d’écart entre elle et son interlocuteur. Quelques centimètres nécessaires. Ne fusse que pour cacher cette lueur de colère qui lui traversa un court instant le regard. Elle n’appréciait pas du tout la façon dont le vampire avait fait allusion à son fiancé. Probablement car il avait une nouvelle fois réveillé en elle cette curiosité mal placé. Mais surtout parce qu’elle avait pris cela d’une façon bien à elle.

Non loin d’eux, les arbres vinrent se faire secouer par une rafale de vent violente. Les longs cheveux d’Elysha vinrent danser avec ce dernier, alors que la vampire resta un court instant silencieuse. Il lui vint à l’esprit d’imaginer Gabriel avec les cheveux court. Et ce à quoi ressembleraient ses propres cheveux si elle se laissait à dormir pour une centaine d’années ou plus. Mais alors que la rafale cessa dès qu’elle se calma, son regard prit une toute autre lueur. Plus distante mais tout aussi égaré qu’antipathique.

« Serais-ce étrange de l’être ? »

Il n’y a rien de plus dangereux que la vérité, car c’est l’arme la plus puissante contre tout semblant. Une seule question en restait à présent. Que cherchait-il ? Certes, la jeune femme n’était pas étrangère à de tels comportements. Sa famille n’avait été qu’énigmes et mystère. Elle aurait voulu ne pas naitre dans la famille Hanadagi. Car c’était une des familles de sang-purs qui ne considéraient que leurs semblables comme digne d’intérêt. Une famille qui lui avait appris que le contrôle d’autrui était tout ce dont elle avait besoin. Des sang purs qui ne voyaient en leurs semblables que des égaux à abattre. Elle faisait partie de cette famille, aussi fausse que réelle. Son nom avait peut-être changé, son comportement également, mais il n’en resta pas moins ce goût amer de vérité. Elle pouvait avoir changé, considérant à présent chaque être vivant à sa juste valeur. Une part d’elle sera toujours Hanadagi et de ce fait, une part d’elle restera toujours aussi volatile que mystérieuse.

Les cartes qu’elle croyait tenir entre ses mains s’étaient retournées contre elle. Et d’une facilité déconcertante, elle avait fait un aveu à Gabriel. Ce vampire avaient bien des milliers d’années de plus qu’elle. Elle ne connaissait rien de lui. Alors que lui savait presque tout d’elle. Ajoutant à cela ses quelques millénaires d’existence et elle perdrait toute partie face à lui si elle ne faisait pas attention. Si elle commettait une erreur.

Peut-être avait-il lui aussi eu une famille. Peut-être pas. La raison de ses idéaux lui était aussi inconnue que le reste de son passé. Mais s’il était un vampire originel, il n’y avait pas mille et une solutions. Soit il avait fait partie de ceux souhaitant tourner l’humanité toute entière en esclaves, soit de ceux voulant empêcher un tel massacre. Au vu de son caractère actuel, la deuxième option lui semblait plus juste à imaginer. Aurait-il lui aussi prit un tout autre chemin que sa famille ? Quoiqu’il en soit, chaque ressemblance cache une différence. Et à présent, la jeune femme en était presque sûre. Il n’avait jamais rencontré son âme sœur. Ce mot avait pourtant l’air ridicule dans le contexte actuel. Car Elysha ne croyait pas un seul instant avoir une âme. Aucun sang pur n’avait une âme. Et c’était ce qui les rendait ô si différent.

« Cette fois seulement, je te donne raison. »

Elle ne pouvait pas tout avoir. Elle ne pouvait pas tout vouloir. Malgré tout, elle tentait toujours sa chance. Pourquoi, elle n’en savait rien. Car c’était ainsi qu’elle avait été éduqué et qu’on ne change pas de vieilles habitudes.

« Tu ne t’ai jamais demandé pourquoi tant de sang pur finissent par s’ôter la vie ? »

Il ne fallait pas toujours tout dire pour comprendre. Mais à cet instant, alors que le regard de Gabriel ne cacha nullement le fait qu’il soit surprit, Elysha se rendit compte de l’évident. Ce vampire tenait d’une façon ou d’une autre à Kazuki. Si cela n’avait pas été le cas, il ne se serait jamais soucier de douter du lien qui unissait Kazuki et Elysha. Pour la vampire, l’avis des autres n’avait d’importance, même si elle savait que c’était elle qui faisait mauvaise figure dans leur relation. Le fait qu’elle soit un sang pur évitait au moins toutes remarques acerbes ou regards noir qu’elle savait certains capable.

Gabriel avait lui aussi douté. Il lui restait cette part d’humanité qu’elle avait quelque peu recherché. Il serait certainement bien plus l’allié de Kazuki que le sien. Et une deuxième fois en cet instant, son opinion le concernant en devint plus positive.

Elle ne répondu d’abord pas, car il ne lui avait donné une réponse. Mais tout comme il l’avait si bien dit, elle la connaissait tout comme lui. Peut-être fallait-il s’en rendre compte avant de pouvoir aimer vivre. Alors, quand il finit par enfin lui sourire, elle ne pu empêcher son regard de s’adoucir. Ils avaient en quelque sorte trouvé un terrain d’entente. Ils avaient partagé une discussion sincère et c’était sans nul doute ce dont ils avaient tous deux eu besoin. Elle lui était reconnaissante de ne plus porter un masque d’indifférence. De lui montrer qu’au fond de lui, il était aussi vivant. Il ne lui coûta rien d’accepter ses paroles. Car comme il le disait si bien, un jour elle saura. Au moment venu. Et qu’il le dise ou qu’il le montre, cela n’avait aucune importance.

L’inconnu est terrifiant, surprenant. Et le savoir est tellement familier qu’on ne peut s’en passer. C’est peut-être cela qui poussa une nouvelle fois Elysha à être honnête. Elle ne pouvait être plus sincère qu’à l’instant, mais ce n’était point pour partager ses propres pensées, bien qu’il fût facile de deviner. Elle revint sur la première réponse de Gabriel, non sans cacher son désarroi quant à la révélation qu’elle vint lui dévoiler.

« Ma mère avait une famille qui l’aimait, sincèrement. Cela ne la pourtant pas empêché de mettre fin à ses jours et de laisser seul mon père, ce pour l’éternité toute entière. »

Sur le ton de ces paroles, elle se détourna du sang pur et vint s’éloigner de quelques pas. Laissant planer le doute, même dans son propre esprit, quant à la signification d’un tel aveu. Elle venait de lui confier la raison de sa méfiance quant à finir éternellement lié à une seule personne, lui accordant ainsi sa confiance. Quand elle lui fit une nouvelle fois face, un sourire enjoué s’était déjà peint sur son visage.

« Cela ne me dérange pas d’être patiente, mais ne me fait pas attendre ne fusse que dix ans, ou je risque de venir chercher les réponses à mes questions, de gré.. ou de force. »

Une menace des plus amicales. Bien qu’Elysha se voyait mal réellement s’en prendre à Gabriel un polochon à la main, car elle était persuadée qu’on finirait par l’interner chez les fous si elle faisait quelque chose dans ce genre. Mais l’idée était tentante.