Run boy run [cum Aoi]

La soif avait commencé à le tenailler deux semaines après que Kazuki l’ait mordu. La rapidité avec laquelle les premiers effets étaient apparus l’effrayèrent d’abord, mais il s’en émerveilla par la suite. Son corps tout entier semblait avoir gagné en vigueur au prix de longues heures de souffrances où sa gorge lui avait fait l’effet d’être chauffée à blanc. Pour le moment, il pouvait encore le supporter mais il était en sursis. En se passant la langue sur les dents, il avait eu la surprise de découvrir deux canines dont le tranchant s’enfoncerait sans peine dans la chair humaine. La prédateur s’affirmait.  

Bientôt, il lui faudrait passer le seuil de la chambre de Kazuki pour lui quémander quelques gorgées de sang, et cette première fois finirait par se fondre dans les suivantes jusqu’à former une espèce de rituel. Cette servitude le répugnait, mais d’un autre côté Kazuki donnait presque l’impression que son sang était en libre service. Plus le temps passait, plus Akira estimait son “maître”. Ce dernier savait rester humble en dépit de son rang, qualité appréciable entre toutes. S’il y a une personne qu’il redoutait véritablement, c’était Elysha. Bientôt, il lui faudrait prendre ses fonctions en tant que chien de garde de la jeune femme. Ce n’était qu’un pressentiment, mais Akira en savait assez sur elle pour se douter qu’elle prendrait la chose très mal. Un boule se forma au creux de son ventre comme à chaque fois qu’il pensait à elle, et ce depuis qu’il avait goûté aux souvenirs de Kazuki. Mais était-ce bien les siens ? Parfois, ils se fondaient dans ses propres souvenirs aussi facilement que s’ils étaient de consistance soluble.

Ce matin là, la faim le tira de son sommeil plus tôt que d’ordinaire. Les premières lueurs du jour balayaient sa chambre, pas celle qu’il occupait avec Noctis mais celle qu’on lui avait attribuée dans le pavillon de la lune. De toute manière, le chargé de discipline n’était jamais là, ses rondes lui prenaient tout son temps si bien qu’à son réveil, le lit de son colocataire était vide. A la fois plein de vigueur et terrassé par la soif, Akira caressa l’idée de faire un jogging, un luxe qu’il ne s’était encore jamais permis. Le temps de se dévêtir et d’enfiler un survet, Akira se faufilait dehors sous un jour dont la blanche clarté présageait l’automne.

Il se mit à courir, d’abord à petites foulées, puis plus rapidement jusqu’à atteindre une allure honorable pour quelqu’un qui n’était pas un grand amateur de sport. Il évita soigneusement le chemin principal et s’enfonça rapidement dans la forêt. Là, l’air était merveilleusement parfumé, grâce à son odorat, Akira percevait des odeurs qu’il n’avait encore jamais senti de mémoire d’homme. Ses pas écrasaient la première vague de feuilles mortes, un bruit qui, pour son ouïe affûtée, résonnait comme un vacarme assourdissant.

Une odeur étrangère l’obligea à s’arrêter brusquement si bien qu’il glissa et serait tombé s’il ne s’était pas rattrapé à un arbre. Elle était toute proche, il pouvait à peine la sentir tant la forêt embaumait d’odeurs qui parasitaient son odorat.